20/01/2014

Yves Saint Laurent par Jalil Lespert


La sortie de "Yves Saint Laurent" de Jalil Lespert précède de quelques mois celle de "Saint Laurent" de Bertrand Bonello. Depuis 2 ans, c'est la guerre entre les deux biopics sur le créateur, l'un "autorisé" (et carrément adoubé) par Pierre Bergé, l'autre, qui sortira à l'automne, indépendant de la machine YSL. Mais tentons de voir YSL pour lui-même. Le film raconte les 20 ans les plus iconiques de YSL, de sa position chez Dior, à la création de sa propre maison de couture jusqu'à sa collection "les Ballets Russes" de 1976.


Et oui, on voit bien les robes, les chapeaux, les plissés, les dessins, grâce à l'adoubement de Pierre Bergé, ce sont les robes originales, et l'attention mise sur leur mise en images et en scène nous le rappelle lourdement. Mais la maison YSL n'a jamais eu besoin du cinéma pour faire sa promotion, on les connait ces robes Mondrian, on l'a vu et revu ce drapé de ceinture Dior, on l'a dans les yeux cette collection Ballets russes. Moi je venais voir un film sur un homme, pas un story telling institutionnel.


La période choisie par Jalil Lespert couvre la montée du succès extraordinaire de YSL. Les premières années de l'histoire d'amour entre YSL et Pierre Bergé. Certaines scènes sont très touchantes, car très bien incarnées par les deux protagonistes principaux, Yves Saint Laurent est incarné par Pierre Niney, Pierre Bergé par Guillaume Galienne. Les deux hommes font un travail remarquable, ils sont touchants, profonds, émus et émouvants. (Je ne sais pas pourquoi le réalisateur a tenu à rajouter un postiche nasal à Pierre Niney qui excelle dans l'interprétation physique du personnage et n'aurait pas eu besoin de cet appendice exagéré). Mais ces performances se voient, parce que le reste n'est pas à la hauteur. Le réalisateur tente de nous présenter 3 femmes/muses de YSL de cette époque et aucune des trois actrices n'arrive à la cheville des femmes qu'elles incarnent, et tout le reste du casting fait téléfilm.

Quelques plans sont très beaux, et on s'en souvient, parce que, encore une fois, le reste ne l'est pas. Ce n'est pas moche, mais ce n'est pas intéressant esthétiquement. LA scène dont ils parlent tous quand ils font la promotion du film, c'est la scène finale, celle du défilé de 1976. Alors oui, effectivement, les robes sont exceptionnelles et c'est agréable de pouvoir en apprécier les détails, mais le montage coulisses/salle n'est pas tout à fait novateur et l'émotion d'une scène où l'on a reproduit un moment historique (pour la mode) avec beaucoup de figurants est forte pour les participants au tournage, je le comprends bien, mais ça ne se voit pas tant que ça à l'écran.

En dehors de son travail, on nous montre un homme timide, on esquisse très maladroitement et sans aucune profondeur ses rapports familiaux complexes, on nous montre ses excès nocturnes de manière totalement caricaturale (SIRIOUSLI la lumière rouge de catacombes pour un vague scène de cul en boîte gay échangiste où c'est sensé être crade et sublime en même temps, on dirait une séquence d'un étudiant de 1e année en école de cinéma). La relation entre les deux protagonistes principaux est plus construite, on s'y attarde plus longuement, il y a trois très jolies scènes entre eux. Mais le reste du film est comme un puzzle où le réalisateur échoue à lier les pièces les unes aux autres. C'est une série de moments, sans lien les uns avec les autres et d'une grande disparité de qualité.


Je n'ai pas passé un mauvais moment, mais je n'ai pas passé un excellent moment non plus. J'aurais tellement voulu découvrir YSL le créateur, comprendre d'où vient son inspiration (et, non, une vague scène où soudain il ouvre un livre d'art n'est pas suffisante pour décrire ça), avoir une vision plus globale sur la vie de cette homme exceptionnel, pourquoi montrer cette période-là uniquement ? Je n'ai pas compris ce choix. Le réalisateur échoue ici encore. Il tente de nous donner des prolongements dans le passé et l'avenir de cette période (sa famille et son enfance à Oran, son éducation religieuse, Pierre Bergé vieux qui raconte tout ça en flashback au moment où il décide de vendre leur collection d'art après la mort de YSL), mais il ne les lie pas au reste, ce sont des prétextes qui sonnent faux. C'est comme quand dans une biographie on me dit que tel général aimait le salami ou les violettes, et alors ? En quoi c'est sensé m'aider à comprendre la vérité de ce personnage si ce n'est lié à aucun autre moment particulier ? Dans un parcours exceptionnel, il y a une montée de succès, mais ce qui se passe après est tout aussi intéressant. Finir avec un défilé de 1976, passer sur un écran noir et nous dire "YSL est mort en 2008" c'est juste décevant. Le film passe totalement à côté du portrait du créateur et de l'artiste que je me réjouissait de découvrir... et pourtant, il essaie.

J'attends de voir ce que le film "Saint Laurent" va être. Il s'attardera à la même période, un peu plus restreinte (1965-1976), sans la nécessité de faire de la publicité pour la maison YSL (que Jalil Lespert lui a même décliné sur son affiche ^^). Mais je crois surtout que les biopics sont définitivement un genre casse-gueule qui ne m'intéresse que très peu car je n'y trouve que très très rarement mon bonheur. A moins qu'il s'agisse d'un individu imaginaire. Rendez-moi Citizen Kane.

3 commentaires:

  1. C'est quoi cette manie française de nous faire des films sur le même thème qui sortent quasiment en même temps (Chanel, La Guerre des Boutons, etc.) ? Je suis pas une experte mais économiquement il me semble que c'est assez stupide...

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  2. Quant à moi c'est pire, les biopics ne réussissent à m'attirer en salle qu'une fois sur 20, celui-là ne m'aura pas je crois. En revanche je suis très très curieuse de connaître ton opinion sur le film des Larrieu brothers (il y a beaucoup de ton lac et de ton chez-toi dedans) (ou comment pousser quelqu'un à pondre un billet)(mouahaha)

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  3. Un peu pareil, je n'ai pas passé un mauvais moment, mais je me suis un peu ennuyée. Je suis sortie de la salle en me disant que je n'avais toujours pas compris ce qui intéressait Jalil Lespert dans cette affaire : pas la création, on n'en voit rien ; pas la personnalité ou la dépression d'YSL, il n'y a que très peu de tentatives d'explication ; pas les relations familiales, le personnage de la mère reste très impressionniste ; pas vraiment le portrait d'une époque, puisque tout le film reste très centré sur quelques personnages. Alors quoi ?

    Heureusement, il y a les défilés qui permettent de voir les vêtements, splendides, et les acteurs, qui sont très très bien.

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